Le "printemps arabe" est-il gelé par un hiver réactionnaire? Moubarak est jugé, Ben Ali est jugé mais la
"Révolution" des peuples arabes est glacée. La Contre-Révolution se répand et les despotes apprivoisés par l'impérialisme sont remplacés par d'autres pantins du capital: la priorité de la
Fraternité Islamique en Egypte c'est la répression des puissantes grèves ouvrières. Les peuples qui partent à l'assaut du ciel pour un autre monde se confrontent à de nouvelles formes de
domination.
Première forme: les guerres de reconquête sous l'étendard des "droits de l'homme" comme en Libye. Deuxième
forme: les processus électoraux bourgeois. Ils renferment au moins un objectif commun: rendre impossible le pouvoir des masses populaires et leur auto-organisation. Un an après le
début des révoltes populaires dans le monde arabe, les élections organisées et leurs résultats semblent sonner comme un chant du cygne
des aspirations populaires. Le débat que l’on entend depuis quelques mois dans les médias se résume à : faut-il des gouvernements islamistes ou pas ? En effet, le débat a été et reste biaisé
dans la mesure où la véritable question posée par les masses se situe ailleurs que dans l'avènement d'une théocratie. Ceux qui se sont immolés, qui sont descendus dans la rue, cette colère des
peuples posaient des questions concrètes concernant le quotidien des masses. Pas de travail, pas de logement, à bas le régime, à bas le pouvoir despotique aux mains des bourgeois
compradores… les peuples se sont révoltés pour que leurs conditions de vies changent et non pas pour qu’au final on leur demande de choisir entre un social démocrate, un islamiste ou un
libéral. Les groupes islamistes arrivés au pouvoir, sous la coupe du roi au Maroc, dans les fourgons de l'OTAN et des pétromonarchies en Libye, avec l'argent du Golfe en Tunisie, avec
l'accord tacite de l'armée en Egypte, sont de simples gestionnaires du capitalisme actuel. Un vieux serviteur de l'Etat bourgeois comme Alain Juppé, actuel ministre des Affaires Etrangères,
l'affirme sans détour: les démocraties européennes peuvent travailler main dans la main avec les Frères Musulmans. Leur mise en place montre que leur potentiel d'émancipation est
nul.
Pourtant, l'avenir se construit à partir des illusions perdues. Le formidable soulèvement populaire ne
laisse pas qu'un tas de cendres. La révolution dans le monde arabe n'en est qu'à son premier Acte. Désormais deux questions clés sont en suspens. Ces deux conditions déterminantes pour
toute révolution de notre époque. Elles sont résumées par Mao : "sans le pouvoir tout n'est qu'illusion" et "sans parti communiste la révolution est impossible". Ces deux
conditions restent à traduire dans l'expérience et par le génie de chaque peuple.
Dans ce contexte de révoltes, ce qui a pu surprendre au premier coup d’œil est le silence radio concernant les luttes et
la répression qui ont lieu au Maroc. Saviez vous qu’il y a quelques jours des jeunes marocains de Rabat avaient essayé de s’immoler ? Pourquoi l’opposition à la monarchie
absolue du roi Mohamed VI a-t-elle été ignorée du reste du monde ? Qui a entendu parler de Kamal Ammari, un jeune homme de trente ans, décédé le 2 juin suite à des blessures reçues lors de la
grande manifestation du 29 mai 2011 ? Pas un mot, pas une image sur nos écrans. Qui connaît son portrait qui fut pourtant brandi dans toutes les villes marocaines le 5 juin ? Qui a entendu
parler du centre de détention de Temara (centre de torture de type Guantanamo qui ferait partie des fameuses « prisons secrètes » de la CIA ), situé dans la banlieue de
Rabat, où la police politique enferme et torture les opposants ? Que signifient les déclarations de la diplomatie française ou américaine sur le caractère « exemplaire » et même «
révolutionnaire » du régime marocain alors que celui-ci maintient le caractère absolu et sacré de la monarchie de droit divin ?
Ce silence complice sur la face cachée du Maroc ne remonte pas au mouvement du 20 février. Une même omerta a régné sur le
calvaire de Zahra Boudkour et de ses 18 camarades enfermés à Marrakech en 2008, sur le soulèvement des chômeurs et de toute la population de Sidi Ifni en juin 2008, ou encore sur le camp des
sahraouis brulés par les FAR (Forces armées royales) en novembre 2010.
Le secret de la défense inconditionnelle du régime marocain par la bourgeoisie impérialiste doit être levé. Le Maroc n’est
pas uniquement le lieu de vacances et de détente dans de luxueux ryads de la grande bourgeoisie française et internationale. Le Maroc est une clé de voûte dans le système de pillage des pays
dominés. La stabilité du régime assure que la structure de la propriété ne sera pas modifiée. Le Maroc demeure un pays semi-colonial, semi féodal. Quelques dizaines de familles proches du
trône, contrôlent les principales richesses et gèrent les intérêts des grands groupes impérialistes. Mais elles sont en réalité assises sur un baril de poudre. Ils creusent leur propre tombeau.
De là vient la nécessité d’entretenir le mythe d’un Maroc où règne la démocratie et le bien-être.
Cette soirée a pour but de présenter ceux qui luttent pour un Maroc débarrassé de l’exploitation et de
l’oppression.
L’expérience des révolutionnaires marocains est en effet déterminante car le Maroc est aujourd’hui une poudrière. Le Maroc
est dans l’immédiat un des seuls pays du monde arabe ou arabo-berbère dans lequel un courant communiste maoïste existe et se renforce.
Le Mouvement révolutionnaire marocain a une histoire importante. Il est né dans les années 1970 pour combattre le régime
monarchiste pro-impérialiste, un régime qui le 23 mars 1965 a réprimé avec une violence inouïe l’intifada de la ville de Casablanca, faisant des milliers de martyrs.
Ce qui est assez connu c’est la répression de fer qui s’abattra sur le mouvement révolutionnaire et démocratique. Dans les
années 1970 les révolutionnaires sont appelés frontistes car ils se regroupent dans un front composé des organisations Il Al Amam (En Avant), du Mouvement du 23 mars et de Servir le peuple.
Parmi les centaines de martyrs, citons le dirigeant syndicaliste Omar Benjelloun, assassiné par des fascistes religieux à sa sortie de prison le 18 décembre 1975 ; la communiste Saïda Menehbi,
emprisonnée, torturée et jugée parmi les 139 militants marxistes-léninistes dans le procès du 3 janvier 1977, morte au bout de 33 jours de grève de la faim dans la lutte contre l'isolement
total. Abdellatif Zeroual, assassiné sous la torture quelques jours après son enlèvement à Casablanca en novembre 1974.
Ce qui est moins connu par contre, c’est la nature de leur combat. Ce combat est poursuivi aujourd’hui par les camarades
marocains dans et hors des prisons.
Depuis 2008, des luttes intenses sont menées au Maroc pour obtenir la libération des prisonniers de la Voie Démocratique
Basiste et d’autres détenus politiques. Ils font partie avec des syndicalistes ouvriers, des chômeurs insurgés (Ifni) et des détenus sahraouis de tous ces « ennemis intérieurs » réprimés par le
régime réactionnaire marocain.
La Voie démocratique basiste (VDB) est un courant révolutionnaire né au sein de l’UNEM (Union Nationale des Etudiants du
Maroc), c’est un héritier du « front uni des étudiants progressistes » qui existait dans les années 1970. Son idéologie se base sur le marxisme-léninisme-maoïsme. Les militants de VDB ont été
emprisonnés car ils mènent la lutte pour une éducation gratuite pour les fils et filles du peuple, contre la « charte nationale de l’éducation », contre la privatisation et la militarisation
des universités ; ils défendent les droits des masses populaires dont les étudiants font majoritairement partie, ils défendent la solidarité internationaliste, notamment avec la Palestine
occupée et avec les guerres populaires. Ils sont enfermés ou ont connu la prison car ils sont communistes.
D’autres ont été tués. Comment ne pas évoquer le martyr Abdelrrazak El Agadiri, membre de l’UNEM et de VDB, assassiné le
28 décembre 2008, lors de la manifestation de soutien au peuple de Gaza ? Le régime avait d’ailleurs tenté de cacher sa dépouille en le sortant en catimini de l’hôpital Ibn Tufayl. Pourtant,
son combat vit toujours.
La lutte pour la libération du groupe Zahra Boudkour (deux ans d’emprisonnement) puis pour la camarade Ilham Hasnaoui
(raptée à son domicile le 12 octobre 2010) n’a pas encore totalement aboutie malgré la libération de ces deux figures révolutionnaires et de certains de leurs camarades. Ilham Hasnouni a
succédé à Zahra Boudkour comme plus jeune prisonnière politique du Maroc, c’est une étudiante de l’Université de Marrakech, âgée de 21 ans, militante communiste et syndicaliste de l’Union
Nationale des Etudiants Marocains (l’UNEM). Détenue durant plus de dix mois sans jugement, elle a été arrêtée sans mandat ni convocation préalable et torturée début octobre 2010 pour des faits
qui remontent aux manifestations dans la cité universitaire en 2008. Des évènements similaires eurent lieu à Fès en mars 2009. Les affrontements des étudiants avec la police aboutirent alors à
plusieurs vagues d’arrestations. Les militants sont poursuivis pour : destruction de biens de l’Etat, participation à un rassemblement non-autorisé, humiliation d’un fonctionnaire dans
l’exercice de ses fonctions, utilisation de la force et même participation à un groupement armé.
Pour le régime la détention sert à briser les volontés des syndicalistes et des militants politiques. Mais le mouvement de
solidarité et l’accentuation des luttes de classe au Maroc ont transformé les prisons en tranchées de combat. Finalement la revendication de la libération des prisonniers s’est élargie à tout
le mouvement populaire, elle est située en bonne place sur la plateforme du « mouvement du 20 février ».
Le rôle de l’impérialisme français et international :
Le capitalisme étranger a gardé toutes ses positions. La vague de privatisations des années 1990 sous la houlette du FMI
et de la Banque Mondiale a attiré nombre de multinationales. 35% de l’entreprise Maroc Telecom appartient à Vivendi, Axa a racheté des sociétés, tout comme Danone ou Coca Cola dans leurs
domaines respectifs.
La France impérialiste est le premier investisseur et le premier créancier du Maroc. Sa part globale a tendance à se
réduire au vu de la concurrence acharnée avec d’autres centres impérialistes comme l’Espagne, les Etats-Unis et la Chine. Ainsi, la part française est passée de 30% des échanges en 2000 à 18%
en 2011. On apprend sur les sites officiels de la diplomatie française que 40% des touristes sont français, ainsi que 51% des investissements étrangers, 750 sociétés françaises sont installées
dans le royaume employant 800 000 personnes (Total, Vivendi, Suez, EDF, Renault-Nissan, Saint Gobain, Veolia, Casino, Alstom, Bouygues, les banques, EADS, Vinci). L’économie marocaine est aux
mains des impérialistes, par exemple, le marché du phosphate est surdéveloppé et profite aux intérêts impérialistes et de ceux de la couche affairiste compradore. (Fraction de la bourgeoisie
des pays dominés qui collabore avec les impérialistes et qui à intérêt au maintien de leur domination).
La fin du colonialisme direct a bien représenté la fin d’une domination sous sa forme la plus exécrable. La situation
actuelle du Maroc découle d’une donnée originelle que l’on a trop tendance à perdre de vue : le fait néo-colonial.
Il est essentiel de savoir que si le peuple marocain est maintenu dans une extrême pauvreté c’est en grande partie lié à
l’impérialisme français qui soutient d’une main de fer le régime monarchique.
Nous appelons à développer les initiatives afin d’exiger la libération immédiate des prisonniers révolutionnaires tout en
popularisant leur combat.
Vive la lutte du peuple marocain !
Liberté pour les prisonniers révolutionnaires !
A bas le régime réactionnaire marocain et l’impérialisme français !
Comité anti-impérialiste blog